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sole qui peut vous diriger au milieu des orages de toutes les passions, et du tourbillon des intrigues qui vous environnent; vous avez la pierre de touche par laquelle vous pouvez essayer toutes vos lois, toutes les propositions qui vous sont faites. En les comparant sans cesse avec ce principe, vous pourrez désormais éviter l'écueil ordinaire des grandes assemblées, le danger des surprises et des mesures précipitées, incohérentes et contradictoires; vous pourrez donner à toutes vos opérations l'ensemble, l'unité, la sagesse et la dignité qui doivent annoncer les représentans du premier peuple du monde.

» Ce ne sont pas les conséquences faciles du principe de la démocratie qu'il faut détailler; c'est ce principe simple et fécond qui mérite d'être lui-même développé.

» La vertu républicaine peut être considérée par rapport au peuple et par rapport au gouvernement; elle est nécessaire dans l'un et dans l'autre. Quand le gouvernement seul en est privé il reste une ressource dans celle du peuple; mais quand le peuple lui-même est corrompu la liberté est déjà perdue.

» Heureusement la vertu est naturelle au peuple, en dépit des préjugés aristocratiques. Une nation est vraiment corrompue lorsqu'après avoir perdu par degrés son caractère et sa liberté, elle passe de la démocratie à l'aristocratie ou à la monarchie; c'est la mort du corps politique par la décrépitude. Lorsqu'après quatre cents ans de gloire l'avarice a enfin chassé de Sparte les mœurs avec les lois de Lycurgue, Agis meurt en vain pour les rappeler! Démosthènes a beau tonner contre Philippe, Philippe trouve dans les vices d'Athènes dégénérée des avocats plus éloquens que Démosthenes! Il y a bien encore dans Athènes une population aussi nombreuse que du temps de Miltiade et d'Aristide; mais il n'y a plus d'Athéniens. Qu'importe que Brutus ait tué le tyran! La tyrannie vit encore dans les cœurs, et Rome n'existe plus que dans Brutus.

» Mais lorsque par des efforts prodigieux de courage et de raison un peuple brise les chaînes du despotisme pour en faire des trophées à la liberté; lorsque par la force de son tempérament moral il sort en quelque sorte des bras de la mort pour reprendre toute la vigueur de la jeunesse ; lorsque, tour à tour

TOME XIV.

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sensible et fier, intrépide et docile, il ne peut être arrêté ni par les remparts inexpugnables ni par les armées innombrables des tyrans armés contre lui, et qu'il s'arrête lui-même devant l'image de la loi, s'il ne s'élance pas rapidement à la hauteur de ses destinées ce ne pourrait être que la faute de ceux qui le gouvernent.

» D'ailleurs on peut dire en un sens que pour aimer la justice et l'égalité le peuple n'a pas besoin d'une grande vertu ; il lui suffit de s'aimer lui-même.

» Mais le magistrat est obligé d'immoler son intérêt à l'intérêt du peuple, et l'orgueil du pouvoir à l'égalité : il faut que la loi parle surtout avec empire à celui qui en est l'organe ;. il

faut que le gouvernement pèse sur lui-même pour tenir toutes

ses parties en harmonie avec elle. S'il existe un corps représentatif, une autorité première constituée par le peuple, c'est à elle de surveiller et de réprimer sans cesse tous les fonctionnaires publics. Mais qui la réprimera elle-même, sinon sa propre vertu? Plus cette source de l'ordre public est élevée, plus elle doit être pure; il faut donc que le corps représentatif commence par soumettre dans son sein toutes les passions privées à la passion générale du bien public. Heureux les représentans lorsque leur gloire et leur intérêt même les attachent autant que leurs devoirs à la cause de la liberté !

» Déduisons de tout ceci une grande vérité; c'est que le caractère du gouvernement populaire est d'être confiant dans le peuple, et sévère envers lui-même.

» Ici se bornerait tout le développement de notre théorie si vous n'aviez qu'à gouverner dans le calme le vaisseau de la République; mais la tempête gronde, et l'état de révolution où vous êtes vous impose une autre tâche.

» Cette grande pureté des bases de la révolution française, la sublimité même de son objet est précisément ce qui fait notre force et notre faiblesse : notre force, parce qu'il nous donne l'ascendant de la vérité sur l'imposture, et les droits de l'intérêt public sur les intérêts privés; notre faiblesse, parce qu'il rallie contre nous tous les hommes vicieux, tous ceux qui dans leur cœur méditaient de dépouiller le peuple, et tous ceux qui veulent l'avoir dépouillé impunément, et ceux

pas

qui ont repoussé la liberté comme une calamité personnelle, et ceux qui ont embrassé la révolution comme un métier, et la République comme une proie. De là la défection de tant d'hommes ambitieux ou cupides, qui depuis le point du départ nous ont abandonnés sur la route, parce qu'ils n'avaient commencé le voyage pour arriver au même but. On dirait que les deux génies contraires que l'on a représentés se disputant l'empire de la nature combattent dans cette grande époque de l'histoire humaine pour fixer sans retour les destinées du monde, et que la France est le théâtre de cette lutte redoutable. Au dehors tous les tyrans vous cernent; au dedans tous les amis de la tyrannie conspirent : ils conspireront jusqu'à ce que l'espérance ait été ravie au crime. Il faut étouffer les ennemis intérieurs et extérieurs de la République, ou périr avec elle; or dans cette situation la première maxime de votre politique doit être que l'on conduit le peuple par la raison, et les ennemis du peuple par la terreur.

» Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible; elle est donc une émanation de la vertu : elle est moins un principe particulier qu'une conséquence du principe général de la démocratie appliqué aux plus pressans besoins de la patrie.

» On a dit que la terreur était le ressort du gouvernement despotique. Le vôtre ressemble-t-il donc au despotisme? Oui, comme le glaive qui brille dans les mains des héros de la liberté ressemble à celui dont les satellites de la tyrannie sont armés. Que le despote gouverne par la terreur ses sujets abrutis, il a raison comme despote : domptez par la terreur les ennemis de la liberté, et vous aurez raison comme fondateurs de la République. Le gouvernement de la révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie. La force n'est-elle faite que pour protéger le crime, et n'est-ce pas pour frapper les têtes orgueilleuses que la foudre est destinée ?

» La nature impose à tout être physique et moral la loi

de pourvoir à sa conservation : le crime égorge l'innocence pour régner, et l'innocence se débat de toutes ses forces dans les mains du crime. Que la tyrannie règne un seul jour; le lendemain il ne restera plus un patriote. Jusques à quand la fureur des despotes sera-t-elle appelée justice, et la justice du peuple barbarie ou rébellion? Comme on est tendre pour les oppresseurs, et inexorable pour les opprimés! Rien de plus naturel; quiconque ne hait point le crime ne peut aimer la

vertu.

» Il faut cependant que l'un ou l'autre succombe. Indulgence pour les royalistes! s'écrient certaines gens; grâce pour les scélérats!... Non! Grâce pour l'innocence, grâce pour les faibles, grâce pour les malheureux, grâce pour l'humanité!

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» La protection sociale n'est due qu'aux citoyens paisibles; il n'y a de citoyens dans la République que les républicains. Les royalistes, les conspirateurs ne sont pour elle que des étrangers, ou plutôt des ennemis. Cette guerre terrible que indivisible? soutient la liberté contre la tyrannie n'est-elle

Les ennemis du dedans ne sont-ils pas les alliés des ennemis du dehors? Les assassins qui déchirent la patrie dans l'intérieur, les intrigans qui achètent les consciences des mandataires du peuple, les traîtres qui les vendent, les libellistes mercenaires soudoyés pour déshonorer la cause du peuple, pour tuer la vertu publique, pour attiser le feu des discordes civiles, et pour préparer la contre-révolution politique par la contre-révolution morale; tous ces gens-là sont-ils moins coupables ou moins dangereux que les tyrans qu'ils servent? Tous ceux qui interposent leur douceur parricide entre ces scélérats et le glaive vengeur de la justice nationale ressemblent à ceux qui se jeteraient entre les satellites des tyrans et les baïonnettes de nos soldats; tous les élans de leur fausse sensibilité ne me paraissent que des soupirs échappés vers l'Angleterre et vers l'Autriche.

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Eh! pour qui donc s'attendriraient-ils ? Serait-ce pour deux cent mille héros, l'élite de la nation, moissonnés par le fer des ennemis de la liberté, ou par les poignards des assassins royaux ou fédéralistes? Non, ce n'étaient que des plébéiens, des patriotes!... Pour avoir droit à leur tendre intérêt

il faut être au moins la veuve d'un général qui a trahi vingt fois la patrie; pour obtenir leur indulgence il faut presque prouver qu'on a fait immoler dix mille Français, comme un général romain pour obtenir le triomphe devait avoir tué, je crois, dix mille ennemis.

» On entend de sang-froid le récit des horreurs commises par les tyrans contre les défenseurs de la liberté, nos femmes horriblement mutilées, nos enfans massacrés sur le sein de leurs mères, nos prisonniers expiant dans d'horribles tourmens leur héroïsme touchant et sublime; on appelle une horrible boucherie la punition trop lente de quelques monstres engraissés du plus pur sang de la patrie.

» On souffre avec patience la misère des citoyennes généreuses qui ont sacrifié à la plus belle des causes leurs frères, leurs enfans, leurs époux mais on prodigue les plus généreuses consolations aux femmes des conspirateurs; il est reçu qu'elles peuvent impunément séduire la justice, plaider contre la liberté la cause de leurs proches et de leurs complices; on en a fait presque une corporation privilégiée, créancière et pensionnaire du peuple.

>> Avec quelle bonhommie nous sommes encore la dupe des mots! Comme l'aristocratie et le modérantisme nous gouvernent encore par les maximes meurtrières qu'ils nous ont données !

» L'aristocratie se défend mieux par ses intrigues que le patriotisme par ses services. On veut gouverner les révolutions par les arguties du palais; on traite les conspirations contre la République comme les procès entre les particuliers. La tyrannie tue, et la liberté plaide; et le code fait par les conspirateurs eux-mêmes est la loi par laquelle on les juge.

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Quand il s'agit du salut de la patrie le témoignage de l'univers ne peut suppléer à la preuve testimoniale, ni l'évidence même à la preuve littérale.

» La lenteur des jugemens équivaut à l'impunité; l'incertitude de la peine encourage tous les coupables; et cependant on se plaint de la sévérité de la justice! on se plaint de la détention des ennemis de la République! On cherche ses exemples dans l'histoire des tyrans, parce qu'on ne veut pas les

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