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orgies, c'est dans leurs bals qu'ils accordent surtout à Robespierre une horrible priorité.

» Je tiens à la main un papier anglais qui nous a été envoyé de Brest par Prieur (de la Marne), et qui a été trouvé dans un bâtiment dont nous nous étions emparé; vous y verrez la trace de ce qui se passe à Londres. C'est sur Jambon SaintAndré, chargé de diriger les forces navales contre cette Carthage moderne, que Pitt dirige ses poignards et ses calomnies, parce que c'est lui qui est à la tête de notre marine; c'est Robespierre qu'il attaque, parce qu'il déjoue les ennemis de l'intérieur, et qu'il atterre les factions anglaises. » Les lettres particulières apprennent aussi que dans un bal masqué donné dernièrement à Londres on a vu une femme, armée d'un poignard sanglant, et représentant une Charlotte Corday, poursuivre un Robespierre fictif, et le menacer de le

maratiser.

» Le journal The Star (l'Etoile), du vendredi 2 mai, donne des détails plus noirs :

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Bal masqué du Ranelag. Jamais on n'y a vu plus » de monde que le mercredi au soir. Il y eut société >> composée de masques, de dominos, et de visitans non déguisés; il y avait plus de quinze cents personnes, et » ce nombre n'a guère diminué jusqu'au point du jour.

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>> Les masques de caractère n'étaient qu'en petit nombre » relativement au nombre total; peu méritent attention : les plus remarquables étaient 1° une Charlotte Corday sortie » du tombeau, agitant pendant toute la nuit son poignard ensanglanté à la poursuite de Robespierre, qu'elle jurait » de maratiser en temps et lieu. (Mouvement d'horreur » dans toute l'Assemblée.) 2° Un somnambule rôdait et bal» butiait qu'il sommeillerait jusqu'au moment qu'il fût temps » que tout l'univers s'éveillât et parlât bon sens... » Sans doute à la manière des forbans, des banquiers et des ministres anglais !

»

Citoyens, voilà donc les fêtes de ce peuple cannibale! Voilà les jeux publics de ces rois marchands! Des assassins sont les acteurs de leurs bals, et le meurtre est le drame qui leur convient!

» Voilà donc aussi le sort des membres du gouvernement

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révolutionnaire! Accablés de travaux énormes, nous sommes placés entre tous les tyrans et leurs crimes, entre tous les aristocrates et leurs trahisons, entre les factions et leurs poignards, entre tous les mécontens et leurs intrigues, et leurs fausses nouvelles, et leurs insinuations perfides ! C'est à nous d'avertir les membres de la Convention nationale des dangers qu'on sème sous leurs pas, des calomnies dont on nourrit la crédulité, et des intentions funestes qu'on prête aux meilleurs patriotes.

» Je crois en avoir assez dit pour rappeler au peuple français ce qu'il peut espérer de ces anthropophages anglais, et ce qu'il doit craindre des ennemis de l'intérieur, qui fomentent la division et la calomnie contre ses représentans et contre le gouvernement révolutionnaire, qui peut seul le sauver.

» Je demande que le considérant du décret rendu hier soit rapporté, et que l'Assemblée passe à l'ordre du jour sur toutes les motions qui ont été faites à raison du décret sur le tribunal révolutionnaire. » (Applaudissemens; de toute part: Aux voix ! Aux voix ! Adopté.)

La proposition de Barrère est rédigée en ces termes, et décrétée à l'unanimité :

«La Convention nationale rapporte le considérant inséré dans le décret rendu hier sur une proposition relative à celui de la veille concernant le tribunal révolutionnaire, et passe à l'ordre du jour sur toutes les autres propositions qui ont été faites dans la discussion qui a eu lieu sur le même objet.

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Le ton bas et repentant de quelques membres, le silence coupable des uns, l'appui servile des autres, enfin la soumission de la majorité, tout dans cette discussion, tableau moral de l'Assemblée, justifie presque le langage de Robespierre, semblable à celui que tenaient d'anciens despotes châtiant leur parlement. Ici la Convention se déclare esclave, et Robespierre tyran.

Mais tout en obéissant l'esclave médite la vengeance, et trop souvent le vainqueur, quel que soit son genre de gloire, se laisse désarmer par l'insouciance de la présomption. Robespierre dédaigna les ressentimens de ceux qu'il avait abaissés; il ne flatta point ceux qui s'étaient attachés à son char: il

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et de la

Membre de l'Assemblée Législative Convention nationale, né à Lille en 1760, mort

en 1807.

ne songea qu'à punir les coupables, quels qu'ils fussent. Aussitôt se joignirent à ses anciens ennemis et les hommes timides, et les hommes légers, et les hommes lâches, et les hommes immoraux, et tous ceux qui, zélateurs hypocrites, citoyens sans dévouement, démocrates par ambition, aristocrates par habitude, s'étaient trouvés comme à la gêne sous l'œil du réformateur : cette ligue s'honora de vertueux républicains, qui depuis longtemps, surtout depuis la fête à l'Etre suprême, ne voyaient plus en Robespierre qu'un ambitieux marchant à la dictature. Tout conspira contre lui. La loi du 22 prairial, rédigée par Robespierre et proposée par Couthon, mais approuvée par le comité, mais sanctionnée par la Convention, fut le plus puissant grief qui réunit les conjurés : aussi peut-on dire de cette loi qu'elle est la préface de l'histoire du 9 thermidor.

Saint-Just voulait frapper, afin de conjurer l'orage; Robespierre voulut attendre, croyant pouvoir le braver : d'ailleurs il lui paraissait alors impossible de faire accueillir un coup d'état semblable à celui qui avait frappé Danton; parmi ses collègues du comité il comptait non pas deux rivaux, mais deux ennemis, Billaud-Varenne et Collot-d'Herbois, envieux et jaloux de sa popularité, et dans le sein même de la Convention il voyait se nouer les intrigues qui le menaçaient. Il laissa le champ libre à ses adversaires, dans l'espoir qu'ils se trahiraient eux-mêmes par la soif impatiente du pouvoir et de la vengeance, et qu'ainsi il lui deviendrait plus facile de les traduire devant l'opinion publique.

Quarante jours s'écoulèrent entre l'adoption de la loi de prairial et la chute du triumvirat. Dans cet intervalle Robespierre ne parut pas une seule fois à la tribune, on ne l'aperçut que rarement dans la Convention, et il cessa de prendre part aux délibérations du comité. Mais il se montra plus assidu aux Jacobins ; il y dénonçait les députés qu'il regardait comme contre-révolutionnaires, les agens qui par leur conduite et leurs mœurs calomniaient le gouvernement, les représentans du peuple en mission qui avaient dilapidé la fortune publique, ou fait haïr la révolution par des crimes inutiles : entr'autres il y signalait

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