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de l'autorité du judicieux et profond Marat; de Marat, à la mémoire duquel les thermidoriens ont payé la dette du parti vaincu : c'est par leurs soins que la plus grande solennité fut donnée à l'apothéose de l'ami du peuple, depuis longtemps décrétée (voyez tome XIII), mais indéfiniment ajournée par les terroristes; elle eut lieu le cinquième jour sanculotide de l'an 2. Bientôt nous verrons les thermidoriens revenir sur leur admiration, et souscrire aux vœux d'un parti en expulsant le corps de Marat du Panthéon.

Incertitudes, essais de leurs forces, tour à tour faiblesse et rigueur envers les différens partis, voilà la marche des thermidoriens jusqu'à la fin de l'an 2. C'est alors que Robert Lindet, dans un compte rendu de la situation de la Répu blique, leur donna de sages avis dont ils ne surent pas profiter.

Les comités avaient reçu une nouvelle organisation; une partie de leurs membres étaient nécessairement renouvelés tous les mois. Tallien, Treilhard, Eschasseriaux, Bréard, Thuriot, Laloi étaient entrés au comité de salut public en remplacement de Robespierre, Couthon et Saint-Just; de Hérault-Séchelles, qui n'avait pas eu de successeur; de Jean-Bon Saint-André et de Prieur (de la Marne), qui étaient en mission. Carnot, Prieur (de la Côte-d'Or), Barrère, Robert Lindet, Billaud-Varennes et Collot-d'Herbois continuèrent d'en faire partie le premier mois : les thermidoriens n'étaient pas encore assez forts pour s'isoler

RAPPORT sur la situation intérieure de la République, fait par Robert Lindet au nom des comités de salut public, de sûreté générale et de législation réunis. — Du 4o jour sanculotide de l'an 2. (20 septembre 1794.)

« Les représentans du peuple ont senti la nécessité de se faire représenter aux principales époques de la révolution le tableau de la situation de la France; ils se sont empressés de faire connaître les causes qui avaient préparé ou occasionné grands événemens : c'est un compte que nous rendons à la nation. Nous nous rappelons à nous-mêmes ce que nous

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avons été, ce que nous sommes; nous nous prononçons ce que nous devons être : la France nous entend et nõus jugë.

» Depuis que les gouvernemens ont usurpé les droits du peuple ils se sont coalisés pour soutenir leur tyrannië : une nation ne peut rentrer dans ses droits, réformer son gouvernement intérieur, que les gouvernemens voisins ne se liguent pour l'opprimer. Lorsqu'une nation teut être libre il ne suht pas qu'elle le veuille; il faut encore qu'elle soit assez forte; assez puissante pour résister à la coalition des oppresseurs et des tyrans, et faire reconnaître et respecter sa liberté.

Douze cent mille citoyens sous les armes, qui sont l'avant-garde de l'armée des défenseurs de la liberté, réculent nos frontières dans l'Espagne, dans le Palatinat et la Belgique; tout cède à leur courage nos ennemis, frappés de terreur, se précipitent dans leurs retraites, accusent leurs chefs et leurs tyrans, et font des voeux secrets pour leurs vainqueurs. Les peuples sacrifiés à l'orgueil des rois, éprouvant seuls les calamités de la guerre, ne voient dans les Français que les vengeurs des droits de l'homme.

» L'art des siéges et des campemens perfectionné, la prudéncé de ceux qui commandent, la confiance de ceux qui obéissent, l'ordre, l'harmonie, la surveillance vous conservent des héros; de grandes conceptions, des plans sages et hardis, de nouveaux moyens de guerre vous garantissent la conservation de vos avantages, et de nouveaux succès jusqu'au désarmement de vos ennemis, ou jusqu'au réveil des nations.

» Une marine formidable, réunie, sagement dirigée, rend impuissante la fureur de vos ennemis, prépare la ruide de leur commerce, et vous proniet la liberté des mers.

Les nations qui ont conservé la paix, les gouvernemens qui ont été assez sages pour résister aux insinuations des cours de Vienne et de Londres apprennent et répètent avec transport les nouvelles de vos victoires et de vos succès : vous avez tout fait pour la liberté, lorsque vous avez su donner une si haute opinion de ses défenseurs. Vous avez conquis l'opinion des peuples : ils ne demandent plus si vous avez un gouvernement; ils savent qu'entretenir les plus nonibreuses armées de la terre, couvrir la mer de vaisseaux, combattre et

vaincre par terre et par mer, appeler le commerce du monde, c'est savoir se gouverner.

» Ce sentiment, que vous avez inspiré aux peuples du nord, de l'Afrique et de l'Amérique, et à vos voisins, se manifeste avec éclat. Vos ennemis ne peuvent plus obscurcir ni voiler votre gloire; ils ne peuvent plus vous rayir la confiance et l'estime des nations.

» Par quels moyens la France est-elle parvenue à ce degré de gloire et de puissance? Par quels étonnans sacrifices a-t-elle comblé tant de ruines et élevé un édifice si prodigieux? Lorsque la liberté et l'égalité ont été reconnues et solennellement proclamées, tout Français a senti qu'il avait une patrie ; il a voulu se dévouer pour elle; tout citoyen est devenu le défenseur et l'appui de son pays. Vous avez rappelé aux hommes qu'ils étaient égaux, qu'ils étaient frères : ils ont volé au secours les uns des autres; ils ne se sont plus envisagés que comme une seule famille, et la France, si étroitement unie, est devenue la première et la plus puissante des nations.

» Vous voulez que l'on vous rappelle ce que la France a fait, ce qu'elle a souffert pour arriver à cette dernière époque. Vous donnerez une idée sublime du prix que l'on doit attacher à la liberté, et du courage et de la constance des Français, lorsque vous transmettrez à la postérité et que vous révélerez à toutes les nations que la France, abandonnée à ses seules ressources, a tout créé pour sa défense, qu'elle a étendų et développé ses ressources, que dans la disette et la pénurie elle s'est imposée les privations les plus pénibles, que la vieillesse a remplacé dans les ateliers la jeunesse qui allait combattre.

» Les arts de la guerre ont occupé tant de bras, ont enlevé un si grand nombre de citoyens aux autres arts, que l'on appré hendait que l'agriculture, le commerce, les fabriques ne fussent abandonnées : les Français ont trouvé des ressources dans leur activité; un travail soutenu nous a préservés des malheurs que l'on avait tant de raison de craindre. Jamais on n'avait cultivé et ensemencé une si grande étendue de terre; le sol de la France a été couvert des productions les plus variées; nulle portion de terrein n'a été négligée. Quelques contrées frappées

de stérilité, dépouillées avant le temps de leurs récoltes, ont soumis à la plus cruelle épreuve l'activité et l'industrie du cultivateur, et ont présenté le spectacle de l'homme aux prises avec la nature pour réparer ses désastres: tant de soins et de travaux ont été sans succès; mais vous saurez porter dans ces lieux des secours proportionnés à tant de pertes, et à des besoins si pressans et si multipliés.

» Combien de professions utiles ont été négligées! combien d'ateliers et de manufactures sont restés déserts! Cependant les travaux et les efforts d'un petit nombre de citoyens ont suffi: on a moins dû s'apercevoir de la diminution de tous les objets de consommation que s'étonner de voir le peuple entier dans le mouvement et l'agitation que les circonstances conmandaient, et un petit nombre de citoyens, appliqués et laborieux, remplacer la majorité de la nation dans les arts sédentaires, et offiir à la consommation les objets indispensablement nécessaires.

» Ce qui doit fixer particulièrement l'attention c'est cette raison sublime du peuple, qui s'est imposé tant de privations, qui a établi et maintenu dans l'administration de ses subsistances une économie si sévère et si effrayante son courage ne l'a point abandonné; il a souffert pour être libre. Quel tableau à offrir à la postérité, que celui d'un peuple qui fait à sa patrie le sacrifice continuel du salaire de ses travaux, de ses vêtemens et de ses subsistances, qui s'oublie pour elle, et recommence chaque jour par des sacrifices qui surpassent les forces humaines !

>> Vous encouragiez le peuple, vous souteniez son espérance; vous éclairiez les Français, vous répandiez les lumières ; vous fixiez les arts et les talens, vous employiez le génie et les sciences à la défense de la liberté; vous donniez des lois dignes d'un peuple libre ; vous teniez d'une main ferme tous les ressorts d'un vaste gouvernement; vous prépariez, vous dirigiez ces grands mouvemens qui appellent sur vous l'attention des peuples, et changent la face de l'Europe.

>> Tandis que vous remplissiez avec tant d'éclat vos hautes destinées, que la France, que tous les peuples de la terre applaudissaient à vos immenses travaux, le génie des factions

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