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sans doute, à moins qu'on ne soit insensé. Supputez maintenant quels sont ceux qui trahissent, en pesant tout au poids du bon sens : sont-ce ceux qui vous donnent des conseils sévères, ou ceux qui vous en donnent d'indulgens?

>> La monarchie, jalouse de son autorité, nageait dans le sang de trente générations; et vous balanceriez à vous montrer sévères contre une poignée de coupables! Ceux qui demandent la liberté des aristocrates ne veulent point la République, et craignent pour eux : c'est un signe éclatant de trahison que la pitié que l'on fait paraître pour le crime dans une République qui ne peut être assise que sur l'inflexibilité : je défie tous ceux qui parlent en faveur de l'aristocratie détenue de s'exposer à l'accusation publique dans un tribunal. La voix des criminels et des hommes tarés et corrompus peut-elle être comptée dans le jugement de leurs pareils?

>> Soit que les partisans de l'indulgence se ménagent quelque reconnaissance de la part de la tyrannie si la République était subjuguée, soit qu'ils craignent qu'un degré de plus de chaleur et de sévérité dans l'opinion et dans les principes ne les consume, il est certain qu'il y a quelqu'un qui dans son cœur conduit le dessein de nous faire rétrograder ou de nous opprimer : et nous nous gouvernons comme si jamais nous n'avions été trahis, comme si nous ne pouvions plus l'être La confiance de nos ennemis nous avertit de nous préparer à tout, et d'être inflexibles.

» La première loi de toutes les lois est la conservation de la République ; et ce n'est point sous ce rapport que les questions les plus délicates sont souvent ici examinées. Des considérations secrètes entraînent les délibérations; la justice est toujours considérée sous le rapport de la faiblesse et d'une clémence cruelle, sans qu'on prenne la peine de juger si le parti que l'on propose entraîne la ruine de l'Etat. La justice n'est pas clémence; elle est sévérité.

pas

» Il est une secte politique dans la France qui joue tous les partis; elle marche à lents. Parlez-vous de terreur, elle vous parle de clémence; devenez-vous clémens, elle vous vante la. terreur; elle veut être heureuse et jouir; elle oppose la perfection au bien, la prudence à la sagesse. Ainsi dans un gouver

nement où la morale n'est point rendue pratique par des institutions fortes qui rendent le vice difforme, la destinée publique change au gré du bel esprit et des passions dissimulées.

» Eprouvons-nous des revers, les indulgens prophétisent des malheurs ; sommes-nous vainqueurs, on en parle à peine. Dernièrement on s'est moins occupé des victoires de la République que de quelques pamphlets; et tandis qu'on détourne le peuple des mâles objets, les auteurs des complots criminels respirent et s'enhardissent.

» On distrait l'opinion des plus purs conseils, et le peuple français de sa gloire, pour l'appliquer à des querelles polémiques : ainsi Rome sur son déclin, Rome dégénérée, oubliant ses vertus, allait voir au cirque combattre des bêtes : et tandis que le souvenir de tout ce qu'il y a de grand et de généreux parmi nous semble obscurci, les principes de la liberté publique peu à peu s'effacent, ceux du gouvernement se relâchent; et c'est ce que l'on veut pour accélérer notre perte. L'indulgence est pour les conspirateurs, et la rigueur est pour le peuple. On semble ne compter pour rien le sang de deux cent mille patriotes répandu et oublié : on a fait un mémoire; on est vertueux par écrit, il suffit; on s'exempte de probité : on s'est engraissé des dépouilles du peuple; on en regorge, et on l'insulte, et l'on marche en triomphe, traîné par le crime, pour lequel on prétend exciter votre compassion! car enfin on ne peut garder le silence sur l'impunité des plus grands coupables, qui veulent briser l'échafaud parce qu'ils craignent d'y monter.

» C'est le relâchement de ces maximes, dont l'âpreté nécessaire est chaque jour combattue, qui cause les malheurs publics; c'est lui qui fait disparaître l'abondance, et nous trouble de plus en plus, sous le prétexte de tranquillité. Chacun immole le bonheur public au sien : le pauvre pousse la charrue, et défend la révolution; beaucoup d'emplois sont pour des fripons enrichis par la liberté, et pour des comptables qui font la guerre à la justice.

» C'est ce relâchement qui vous demande l'ouverture des prisons, et vous demande en même temps la misère, l'humiliation du peuple, et d'autres Vendées. Au sortir des prisons ils prendront les armes, n'en doutez pas. Si l'on eût

arrêté il

y a un an tous les royalistes, vous n'auriez point eu de guerre civile.

» La même conjuration semble s'ourdir pour les sauver, qui s'ourdit autrefois pour sauver le roi. Je parle ici dans la sincérité de mon cœur; rien ne m'a paru jamais si sensible que ce rapprochement. La monarchie n'est point un roi; elle est le crime: la République n'est point un sénat; elle est la vertu : quiconque ménage le crime veut rétablir la monarchie et immoler la liberté.

» Et après que, par la noirceur d'une inertie hypocrite, on a altéré la prospérité et la force du gouvernement, on vient déclamer contre lui! Il me semble voir une immense chaîne autour du peuple français, dont les tyrans tiennent un bout et la faction des indulgens tient l'autre pour nous serrer.

>> On tourne en sophismes toutes les questions les plus simples pour vous entraver: c'est ainsi que Vergniaud, vous voyant déterminés à donner une Constitution à la République, mit tout le droit public en problêmes, et vous proposa une série de questions à résoudre que l'on eût mis un siècle à discuter (1).

» On imite parfaitement cette conduite lorsqu'on vous propose d'examiner les détentions selon des principes de mollesse : par là on vous embarrasse dans un luxe de sentimens faux, on sépare la législation et le sentiment du bien public. Et les fripons, et les tyrans, et les ennemis de la patrie sont-ils donc à vos yeux dans la nature, ô vous qui réclamez en son nom pour eux ?

» Notre but est de créer un ordre de choses tel qu'une pente universelle vers le bien s'établisse, tel que les factions se trouvent tout à coup lancées sur l'échafaud, tel qu'une mâle énergie incline l'esprit de la nation vers la justice, tel que nous obtenions dans l'intérieur le calme nécessaire pour fonder la félicité du peuple; car il n'y a, comme au temps de Brissot, que l'aristocratie et l'intrigue qui se remuent les sociétés populaires ne sont point agitées, les armées sont paisibles, le peuple travaille; ce sont donc tous les ennemis qui s'agitent

(1) Voyez tome XII, page 314.

seuls, et qui s'agitent pour renverser la révolution. Notre but est d'établir un gouvernement sincère, tel que le peuple soit. heureux, tel enfin que la sagesse et la Providence éternelle, présidant seules à l'établissement de la République, elle ne soit plus chaque jour ébranlée par un forfait nouveau.

» Les révolutions marchent de faiblesse en audace, et de crime en verta. Il ne faut point que l'on se flatte d'établir un solide empire sans difficultés; il faut faire une longue guerre à toutes les prétentions, et comme l'intérêt humain est invincible, ce n'est guère que par le glaive que la liberté d'un peuple

est fondée.

» Il s'éleva dans le commencement de la révolution des voix indulgentes en faveur de ceux qui la combattaient : cette indulgence. qui ménagea pour lors quelques coupables, a depuis coûté la vie à deux cent mille hommes dans la Vendée ; cette indulgence nous a mis dans la nécessité de raser des villes; elle a exposé la patrie à une ruine totale; et si aujourd'hui vous vous laissiez aller à la même faiblesse, elle vous coûterait un jour trente ans de guerre civile.

» Il est difficile d'établir une république autrement que par la censure inflexible de tous les crimes. Jamais Précy, jamais Larouerie et Paoly n'auraient créé de parti sous un gouvernement jaloux et rigoureux. La jalousie vons est nécessaire : vous n'avez le droit ni d'être clémens, ni d'être sensibles pour les trahisons; vous ne travaillez pas pour votre compte, mais pour le peuple. Lycurgue avait cette idée dans le cœur lorsqu'après avoir fait le bien de son pays avec une rigidité impitoyable il s'exila lui-même.

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A voir l'indulgence de quelques-uns, on les croirait propriétaires de nos destinées, et les pontifes de la liberté. Notre histoire depuis le mois de mai dernier est un exemple des extrémités terribles où conduit l'indulgence. A cette époque Dumourier avait évacué nos conquêtes; les patriotes avaient été poignardés dans Francfort; Custine avait livré Mayence, le Palatinat, et par suite le cours du Rhin; le Calvados était en feu; enfin la Vendée était triomphante; Lyon, Bordeaux, Marseille, Toulon étaient révoltés contre le peuple français ; Condé, Valenciennes, le Quesnoi étaient livrés; nous étions

malheureux dans les Pyrénées, dans le Mont-Blanc; tout le monde nous trahissait, et l'on semblait ne se charger plus de gouverner l'Etat et de commander les troupes que pour les livrer et en dévorer les débris. Les flottes étaient vendues; les arsenaux, les vaisseaux en cendre, les monnaies avilies, les étrangers maîtres de nos banques et de notre industrie, et le plus grand de nos malheurs était alors une certaine crainte de déployer l'autorité nécessaire pour sauver l'Etat ; en sorte que la conjuration du côté droit avait brisé d'avance par un piége inouï les armes avec lesquelles vous pouviez le combattre et le punir un jour : ce sont ces armes que l'on veut briser encore.

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La Constitution rallia le souverain. Vous maîtrisâtes la fortune et la victoire, et vous déployâtes enfin contre les ennemis de la liberté l'énergie qu'ils avaient déployée contre vous; car, tandis qu'on vous suggérait des scrupules de défendre la patrie, Précy, Charrette et tous les conjurés brûlaient la cervelle à ceux qui n'étaient point de leur avis et refusaient de suivre leurs rassemblemens : et ceux qui cherchent à nous énerver ne font rien et ne proposent rien pour énerver nos ennemis; on croirait à les entendre que l'Europe est tranquille et ne fait point de levées contre nous; on croirait à les entendre que les frontières sont paisibles comme nos places publiques.

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pour

Citoyens, on veut nous lier, et nous abrutir rendre nos défaites plus faciles. A voir avec quelle complaisance on vous entretient dų sort des oppresseurs, on serait tenté de croire que l'on s'embarrasse peu que nous soyons opprimés.

» Telle est la marche des factions nouvelles elles ne sont point audacieuses, parce qu'il existe un tribunal qui lance une mort prompte; mais elles assiégent tous les principes, et dessèchent le corps politique. On nous attaqua longtemps de vive force; on veut nous miner aujourd'hui par des maladies de langueur; car voilà ce que présente la République, dégénérée de la rigidité où la porta le supplice de Brissot et de ses complices : c'est alors que partout vous fûtes vainqueurs ; c'est alors que les denrées baissèrent et que le change reprit quelque

valeur.

» L'essor du gouvernement révolutionnaire, qui avait établi

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