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les variations très-petites, et le produit total sensiblement stationnaire; ce point sépare la progression des richesses de leur rétrogradation; c'est le terme auquel le vendeur s'efforcera de maintenir les prix.

Ainsi, les prix de chaque espèce d'objet tendent sans cesse vers une certaine limite autour de laquelle ils se balancent en sens contraire de la quantité d'objets vendus; de sorte que le produit total des ventes, pour chaque espèce d'objets, varie beaucoup moins que les deux élémens dont ce produit se compose. Supposons maintenant que les objets à vendre existent par millions; qu'ils soient disséminés en beaucoup de lieux, entre des mains indépendantes; les millions de marchés qui seront conclus dans une année présenteront une valeur totale qui s'écartera peu du prix moyen fixé par l'avantage mutuel des vendeurs et des acheteurs. La théorie des probabilités apprend à calculer de combien le produit total, ou la richesse annuelle, peut s'écarter du maximum indiquant la limite naturelle de cette richesse.

Lorsque l'état social procure à un pays une richesse croissante, on peut déterminer le degré d'accroissement de cette richesse pour l'intervalle d'une année; si l'on opère sur une longue période, on peut obtenir un accroissement moyen, convenablement déduit, qui offre un degré d'approximation croissant avec le nombre d'années. Afin de connaître l'exactitude que l'on peut espérer d'atteindre dans cette recherche, il faut examiner en premier lieu la plus grande somme d'inégalités que puissent présenter les richesses annuelles d'un pays. En France, par exemple, il faut placer au premier rang les richesses agricoles et les plus importans de leurs produits, ceux des céréales.

L'homme peut bien restreindre jusqu'à un certain terme sa consommation de céréales : dans une saison fatale, il peut donner à sa famille une ration de pain plus ou moins réduite, ainsi que le fait un capitaine de navire, lorsqu'il ne lui reste que peu de vivres, et qu'il est éloigné de tout rivage : mais cette réduction a des bornes très-rapprochées, et plutôt que de la subir au delà d'un certain terme, chacun se résout

à des sacrifices de plus en plus pénibles. On en jugera par les observations suivantes qu'on doit à Gregory-King, et qu'a publiées Davenant, habile administrateur, très-versé dans l'étude de l'arithmétique politique.

En procédant par dixième de diminution des récoltes et d'accroissement du prix des blés, on arrive aux résultats suivans pour un dixième de déficit, 3 de renchérissement; pour 2, 8; pour 3, 16; pour 4, 28; pour 5, 45. Ainsi, lorsque la quantité des céréales est diminuée de moitié, leur prix est plus que quadruplé.

Au xvr siècle et aux deux suivans, on voyait fréquemment de grandes variations dans le prix de ces substances alimentaires. Dans un intervalle de deux ou trois ans, ces prix quintuplaient et retombaient ensuite au plus bas degré. Des famines extrêmes résultaient de ces inégalités; de grandes mortalités en étaient la conséquence ordinaire. Grâce aux progrès de l'agriculture et du commerce, à la multiplication des routes et des canaux, au perfectionnement des moyens de transport et d'approvisionnement; grâce surtout à la paix, à la sécurité, à la liberté dont jouit le cultivateur, ces extrêmes disparates dans le prix des céréales ne se font plus remarquer. Ainsi, depuis trente ans, les prix n'ont pas varié de cinq dixièmes audessus ou au-dessous du prix moyen, ce qui n'indique pas la variation d'un septième dans la quantité de blés annuellement consommés, de plus ou de moins que la quantité moyenne nécessaire aux besoins de la population.

Nous avons cherché quels rapports entre les prix et les quantités consommées peuvent satisfaire aux observations de Gregory-King; nous avons trouvé qu'ils sont donnés par une équation du troisième degré. Nous avons employé cette équation pour déterminer, d'après le prix moyen des céréales en France, depuis 1801 jusqu'à 1829, le prix total des ventes, et par conséquent la richesse produite par les céréales consacrées à la nourriture de l'homme.

Le prix moyen de cette consommation, pour la population française, est évalué par approximation à 1,600 millious

de francs. Voici qu'elles ont été les plus grandes différences des ventes effectuées, comparées à ce prix moyen, dans les années les plus remarquables par l'abondance ou la disette, depuis le commencement de ce siècle jusqu'en 1830.

Années de plus grande abondance. 1804 : le prix total des ventes a diminué de 219 millions 204 mille francs, ou, à peu près, un huitième du prix moyen. — 1824: diminution de 152 millions 256 mille francs; un onzième du prix moyen. Années de plus grande disette. 1812 augmentation du prix total des ventes de céréales, 270 millions 202 mille francs, sixième partie du prix moyen. 1817 augmentation du prix total, 395 millions 554 mille francs, presque le quart du prix moyen.

Ces inégalités, considérées en elles-mêmes, méritent beau coup d'attention: mais, quant à leur influence sur le revenu général du royaume, elles sont d'une faible importance, comme on va le voir.

Années de plus grande abondance. En 1804, l'abaissement du prix de la vente des céréales ne produisit, sur le total des revenus privés des Français, qu'une diminution de trois et demi pour cent en 1824, cette diminution ne fut que de deux pour cent.

Années de plus grande disette. En 1812, le revenu total des Français fut augmenté de quatre pour cent, et, en 1817, de cinq et demi pour cent.

Ainsi, parmi toutes les sources de revenus agricoles, la partie la plus importante et la plus lucrative des produits de première nécessité ne présente pas, dans les années d'extrême abondance, une diminution supérieure à trois et demi pour cent sur la totalité des revenus privés; et, dans les années d'extrême disette, l'augmentation de ces revenus n'excède pas cinq et demi pour cent.

Un second Mémoire démontrera comment les autres consommations, soit pour les subsistances, soit pour le logement; le vêtement, l'ameublement, etc., s'accroissent quand la dépense des céréales diminue, et comment ces autres dépenses

vont diminuant, lorsque celle des céréales augmente. Ainsi, les faibles inégalités que nous venons de signaler, au sujet des céréales dans la succession des revenus annuels de la population française, sont contrebalancées par les autres genres de productions et de consommations. Ce premier aperçu nous montre déjà par quelles compensations, malgré de trèsgrandes anomalies dans le prix de certaines espèces de productions et de consommations, le revenu de tout un peuple n'éprouve en passant d'une année à l'autre, que des variations très-inférieures à celles qu'on pourrait imaginer d'après un examen superficiel.

La loi mathématique qui fixe la corrélation du prix des grains et des quantités consommées permet d'évaluer numériquement les bénéfices assurés aux producteurs de céréales par la loi politique relative aux prix que les blés doivent atteindre avant qu'on permette au commerce d'en exporter ou d'en importer. Les mêmes considérations donnent également la mesure des avantages résultant de l'approvisionnement des réserves, qui, par leurs achats, soulagent le producteur dans le tems de surabondance, et, par leurs ventes, viennent au secours du consommateur quand la disette commence à frapper la population.

II. ANALYSES D'OUVRAGES.

SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES.

JOURNAL D'UN VOYAGE A TEMBOCTOU ET A JENNÉ, dans l'Afrique centrale, précédé d'Observations faites chez les Maures Braknas, les Nalous et d'autres peuples ; pendant les années 1824, 1825, 1826, 1827 et 1828; par René CAILLIE; avec une carte itinéraire et des remarques géographiques, par M. Jʊmard, membre de l'Institut (1).

Parmi tous les voyageurs qu'un ardent désir de gloire a conduits dans l'intérieur de l'Afrique, il en est peu qui puissent rivaliser de courage et de persévérance avec M. Caillié. Dévoré de la passion des voyages, il forma presque dès l'enfance le dessein d'explorer ce mystérieux continent et cette ville de Temboctou, si célèbre parmi les Européens, pour n'avoir été visitée par aucun d'eux. A peine âgé de seize ans, il faisait voile vers l'Afrique, sur la gabarre la Loire, compagne de La Méduse, dont elle évita le naufrage. Il parvint, après de longs efforts, à s'adjoindre, comme volontaire, à l'expédition du major Gray. Nous avons rendu compte de cette entreprise malheureuse dans notre cahier du mois de juin 1827 (voy. Rev. Enc., t. xxxiv, p. 623). Toutefois, la relation succincte qu'en donne M. Caillié contient de nouveaux détails propres à mieux faire apprécier les périls qui l'accompagnèrent, et les fantes qui en compromirent le succès. Suivant lui, les expéditions pres

(1) Paris, 1830; Mongie aîné, el A. Bertrand. 3 vol. in-8° de 404 à, 475 pages; prix, 50 fr.

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