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TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES,

RUE JACOB, No 56.

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L'Univers

FRANCE.

DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE,

PAR

M. PH. LE BAS,

MEMBRE DE L'INSTITUT (ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES),
MAITRE DE CONFÉRENCES A L'ÉCOLE NORMALE, ETC.

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FETES. Nous croyons devoir diviser cet article en quatre paragraphes. Dans le premier nous traiterons des fêtes périodiques et locales; dans le deuxième, des fêtes royales et aristocratiques sous l'ancienne monarchie; dans le troisième, des fêtes nationales; enfin, le quatrième sera consacré aux fêtes religieuses.

1. Fétes périodiques et locales. Parmi les fêtes qui semblent nous avoir été léguées par le paganisme, il faut mettre en première ligne la promenade du bœuf gras, cet usage bizarre qui ne s'observe plus aujourd'hui qu'à Paris (*), mais qui, autrefois, avait lieu dans plusieurs provinces, et s'appelait

(*) Les Parisii adoraient le taureau zodiacal; c'est ce que prouve la découverte que l'on

fit à Notre-Dame d'un monument dont les bas-reliefs représentaient, parmi plusieurs divinités gauloises et romaines, ce taureau revêtu de l'étole sacrée et surmonté de trois

grues, oiseaux de bon augure. La promenade du bœuf gras serait donc un reste des cérémonies célébrées à l'équinoxe du printemps, à l'entrée du soleil dans le signe du taureau.

F.

le bœuf villé, violé ou viellé, sans doute parce que l'animal était promené par la ville au son des violons et des vielles.

Voici en quels termes un auteur du dix-huitième siècle décrit cette cérémonie, telle qu'il la vit célébrer à Paris, en 1739:

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Les garcons de la boucherie de l'Apport Paris n'attendirent pas en cette année le jour ordinaire (lë jeudi qui précède le dernier jour du carnaval), pour faire leur cérémonie du bœuf gras: le mercredi matin, veille du jeudi gras, ils promenèrent par la ville un bout qui avait sur la tête, au lieu d'aigrette, une grosse branche de laurier-cerise; il était couvert d'un tapis qui lui servait de housse.» Ce bœuf, ajoute-t-il, était paré comme les victimes que les anciens immolaient à leurs dieux: il portait sur son dos un enfant décoré d'un ruban bleu passé en écharpe, et tenant d'une main une épée nue, et de l'autre un sceptre doré. Cet enfant, appelé le roi des bouchers, était escorté par une quinzaine de garçons, vêtus de corsets rouges avec des trousses blanches, et

T. VIII. 1 Livraison. (DICT. ENCYCLOP., ETC.)

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coiffés de turbans ou de toques. Cette mascarade était précédée de fifres, de violons et de tambours. « Ils parcoururent dans cet équipage plusieurs quartiers de la ville, se rendirent aux maisons des divers magistrats, et ne trouvant pas dans la sienne le premier président du parlement, ils se décidèrent à faire monter dans la grand’salle du palais, par l'escalier de la Sainte-Chapelle, le bœuf gras et son escorte. Et, après s'être présentés au président, ils promenèrent le pauvre animal dans diverses salles du palais, et le firent descendre par l'escalier de la cour neuve, du côté de la place Dauphine. » Le lendemain la même cérémonie se renouvela: les bouchers des autres quartiers de Paris promenèrent aussi par la ville leur bœuf gras, sans toutefois le faire monter dans les salles du palais.

Cette fête cessa pendant la révolution; mais elle fut remise en vigueur sous l'empire. Depuis elle a perdu, comme le carnaval, une grande partie de sa splendeur. L'esprit public a fait justice de ces folies, presque toujours licencieuses, auxquelles ne prend part maintenant qu'une certaine classe de gens.

Les Parisiens célébraient encore autrefois une fête, dont l'origine ne semble pas moins ancienne que celle du boeuf gras. Tous les ans, les habitants de la rue aux Ours faisaient fabriquer un mannequin d'environ 20 pieds de haut, qui représentait un homme tenant en main un poignard. Il était, pendant plusieurs jours, promené dans les rues de Paris par des porteurs qui ne manquaient pas de faire la quête; ensuite, on le condamnait à être brûlé dans la rue aux Ours. Cette exécution a, pendant longtemps, été accompagnée d'un feu d'artifice, qu'en 1743 la police fit supprimer, à cause des accidents qui pouvaient en résulter dans une rue aussi étroite. Voici, suivant le vulgaire, l'origine de cette cérémonie: Le 3 juillet 1418, un soldat suisse, sortant d'un cabaret où il avait perdu son argent au jeu, osa, dans son desespoir, frapper d'un coup de couteau une image de la Vierge, placée au coin de la rue aux Ours et de celle de Salle au-Comte; le coup fit jaillir de la pierre du sang en

abondance. Le soldat fut pris, attaché à un poteau, en face de l'image miraculeuse, et frappé depuis 6 heures du matin jusqu'au soir, avec une telle barbarie, que les entrailles lui sortaient du corps. On lui perça la langue avec un fer rouge, et ensuite on le jeta au feu. C'est, dit-on, en mémoire de ce crime que se faisait la procession de cette figure gigantesque. Toutefois, l'auteur du Journal des bourgeois de Paris, lequel a parlé, au 3 juillet 1418, des événements de ce jour, ne dit rien ni du sacrilege. ni du miracle, ni du supplice; il fait mention seulement d'une belle procession qui eut lieu ce jour-là. De plus, de nombreuses contradictions se rencontrent entre les diverses relations qui, toutes, ont été, pour la première fois, écrites environ 150 ans après l'événement. Des feux de joie ou d'artifice, la promenade d'un mannequin énorme ont-ils, d'ailleurs, quelque analogie avec la profanation commise par un fou furieux, puni d'un horrible supplice?

Il est assez probable que cette cérémonie avait lieu bien avant le quinzième siècle, et qu'il faut en chercher l'origine dans les anciennes fêtes du solstice d'été. On fabrique aussi, dans plusieurs villes de France, aux fêtes de saint Jean et de saint Pierre, des mannequins que l'on brûle dans un feu de joie, comme on faisait à Paris : ces fêtes, qui se célèbrent à l'époque du solstice d'été, sont une allégorie du triomphe du soleil sur les ténèbres. Le personnage du géant a toujours eu un caractère hostile; ainsi qu'à Rome et en Égypte, il représentait, à Paris, un être odieux dont on voulait se venger.

Mais aujourd'hui Paris est la ville de France où il subsiste le moins de traces de l'originalité des mœurs antiques, et c'est à peine si le bœuf gras a survécu aux autres fêtes locales. Il nous faut, pour trouver ce qui reste des vieux usages, parcourir nos diverses provinces : commençons par les départements septentrionaux.

Les départements du Nord sont une contrée pleine de poésie, et ceux-là en ont une bien fausse idée qui accusent de froideur d'imagination les habitants de cette partie de la France. C'est qu'ils n'ont pas assisté à ces fêtes bizarres que

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